sexta-feira, 1 de janeiro de 2010

A LOUCURA DOS HOMENS

LA FOLIE DES HOMMES

Croire en Dieu ? Le souvenir de ces Noëls vécus dans la foi juive m'a incité à penser que cela me reviendrait un jour et, n'ayant jamais été un militant de l'incroyance, j'en avais plus de curiosité que de crainte. Illusion perdue. Mais c est un fait que je n'ai jamais cessé d'être mécréant depuis que mon rude gaillard de père a emporté Dieu avec lui dans sa tombe. Le Tout-Puissant ne brille chez moi que par son absence ou par tout ce que lui ont prêté les poètes et les artistes, mais aussi et surtout les frères ennemis du monothéisme. Rien, ni le temps qui passe ni l'existence du mal, n'aura réussi à m'imposer le besoin de me soumettre aux caprices de Celui dont on implore la miséricorde. Mais lorsque je pense que ce sont les tragédies du Proche-Orient qui ont radicalisé la croyance des uns dans le Dieu des juifs et celles des autres dans le Dieu des musulmans, je suis partagé entre l'émerveillement et la consternation.

Si j'en parle aujourd'hui, c'est parce qu'il se passe bien des choses à Jérusalem qui ont peu de rapport avec ce qui est supposé s'être passé il y a deux mille ans. Car tout de même, s'il y avait un lieu, une place, un seul endroit au monde où l'on pût penser que le Dieu des enfants d'Abraham imposerait sa paix et sa lumière et que ceux qui croient en lui auraient à coeur de les célébrer, c'est bien Jérusalem. Et lorsqu'on pense à la magie de ce nom, aux espérances qu'il a suscitées, aux convoitises dont il a été l'objet, aux oeuvres qu'il a inspirées, on ne peut avoir qu'un sentiment de révolte sinon d'épouvante devant les horreurs que cette ville sacrée, sainte et bénie, peut abriter. Comment ceux qui ont fondé leur foi, leur conversion, leur engagement sur la destruction des idoles ont-ils pu et peuvent-ils idolâtrer un lieu ? Comment les messagers de l'universel ont-ils pu à ce point s'égorger dans le singulier ? Comment les combattants des croisades, des guerres saintes, des conflits religieux peuvent-ils invoquer Jérusalem pour justifier leur barbarie ? J'ai écrit un jour un livre, «la Prison juive», où il n'est question que de cela. Ma conclusion était que Dieu, s'il existait, avait emprisonné les juifs, donc les humains, dans cette affreuse contradiction : les enjoindre dans un même élan de respecter le Décalogue mais aussi d'occuper et de défendre une terre étrangère. La Torah bénissant la première guerre sainte, était-ce possible ? C'est le grand rire sardonique de Dieu qui répond à cette question.


Jean Daniel in "Le Nouvel Observateur", nº 2355 - 23 Dezembro 2009 a 6 de Janeiro 2010



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